http://midica-toulouse.franceserv.com/
(réagissez aussi en cliquant ci-dessus)
3 octobre 2009, un samedi après-midi ordinaire… Non, inhabituel plutôt, pour moi, puisque je me suis rendu pour la deuxième fois en 6 ans de vie toulousaine au magasin Midica, place Esquirol, à Toulouse. Je n’apprécie pas vraiment ce magasin, mais ce jour-là, j’avais le projet ambitieux d’acheter une râpe à fromage et j’étais pressé.
Parmi les activités trépidantes de ce samedi automnal que j’aurais mieux fait de passer dans les Pyrénées, j’étais passé rue Saint Antoine du T. pour acheter un produit anti-mites alimentaires dans la droguerie « Taverne ». C’est une boutique à l’ancienne, tout droit sortie du journal de 13h de Jean-Pierre Pernaut, où la patronne officie également comme vendeuse et caissière.
Quittant ce commerce muni de mon trésor à 6,50€, sans ticket de caisse que l’on ne m’a pas proposé et que j’aurais probablement laissé sur le comptoir, je me dirige vers Midica qui, dans mon imaginaire était un magasin d’électroménager, décoration, luminaires, vaisselle et vaguement de bricolage. Je n’y soupçonnais pas – à vrai dire ne m’étais pas levé avec cette question en tête – l’existence d’un rayon droguerie (c’est quand-même bien fait, Midica…).
Au bout d’une vingtaine de minutes, je me dirige vers la sortie… sans râpe : je ne voulais pas de râpe électrique, ni une râpe design ; je voulais… une râpe à fromage. Juste une râpe à fromage. J’aurais dû me douter que j’étais trop exigeant. Tant pis.
À ce stade, on sent assez facilement venir la suite, mais ce jour-là, je n’ai rien anticipé. Au niveau des portes de sortie, un agent de sécurité me demande d’ouvrir mon sac. Mon caractère m’aurait d’habitude indiqué de ne pas obtempérer, mais je l’ai ouvert, exhibant triomphalement le fond de mon sac quasi-vide, n’ayant pour unique contenu qu’un livre de poche d’occasion et un produit anti-mites. « Ha ha, pensai-je, vous faites moins le malin ! » Mais au lieu de se confondre en excuses, l’agent de sécurité a pris à son tour un air triomphal : il se trouve que Midica vend également ce produit. Mon ticket de caisse, ou preuve d’achat ? Je n’en ai pas.
S’ensuit un argumentaire court qui déjà m’agace et je suggère que l’on vérifie le code-barres sur un lecteur. Je comprends mal la réponse et crois que nous nous dirigeons vers une telle machine… quand je réalise que je me trouve dans un réduit, où, le vigile me barrant l’accès à l’unique porte d’entrée/sortie me demande ma carte d’identité.
Ai-je déjà signalé que j’étais agacé ? Je deviens à ce moment précis franchement énervé, mais demeure correct comme, il faut le reconnaître malgré son ton qui se veut intimidant, le vigile qui ne m’a tutoyé ni n’a été familier.
Je refuse et lui signifie que si je dois montrer une pièce d’identité à quelqu’un, ce sera à un agent de police et certainement pas à lui. Un « ne rigolez pas avec moi » asséné avec une voix musclée fera office de réponse, prélude à l’injonction « ne bougez pas ! », le temps d’aller, probablement, chercher le vigile en chef (ou quelque autre statut à dénomination plus politiquement correcte). Vigile qui reproduit à l’identique le même argumentaire, moi qui lui oppose les mêmes objections.
Nous n’avançons pas et l’accusation implicite d’être un voleur commence à titiller le sentiment d’injustice de celui qui se sait innocent. Je demande à ce qu l’on me montre une bande vidéo ou que l’on me présente l’agent qui m’a vu commettre mon larcin. Bouche bée et mutisme seront mes seules réponses. Puis l’on m’explique (à nouveau) qu’il me suffit de fournir la preuve d’achat de mon produit pour que l’affaire soit réglée. Retour au point de départ (la case prison ne m’inquiète pas outre mesure).
Ayant eu la maladresse de ne pas choisir Droit comme cursus universitaire, j’explique que « les choses ne se passent pas comme ça » et, très peu fier de cette dernière formule, j’en viens à évoquer des grands principes un peu désuets tels que la présomption d’innocence. Ce concept ne provoquant nulle étincelle perceptible dans le regard de mes interlocuteurs (ils sont désormais trois), je détaille, comme ont dû le faire mes instituteurs à l’école ou mes parents à la maison : « blablabla […], bref, je suis innocent jusqu’à preuve du contraire » (toujours pas d’illumination) et élabore : « ce n’est donc pas à moi de prouver mon innocence, mais à vous de montrer ma culpabilité ». La pédagogie n’opérant pas, la situation me paraît suffisamment inextricable et absurde pour demander l’intervention de la police.
Refus catégorique, mais, par je ne sais quel cheminement imperceptible, on ne parle plus trop de me retenir ici. Néanmoins, il est toujours hors de question de me restituer mon bien, « un produit référencé dans le magasin ». Je renverse alors l’accusation et explique à mes accusateurs qu’ils se transforment eux-mêmes en voleurs.
La preuve d’achat
Avant de partir, j’exige un papier attestant que l’on garde ici mon trésor, l’objet du délit (un anti-mites à 6,50€, je le rappelle…) et essuie, comme de juste, un nouveau refus. Je reviens d’un pas rageur vers la droguerie initiale où la propriétaire, outrée, m’aurait signé n’importe quelle preuve d’achat (je ne peux certifier qu’elle s’est réellement souvenue de moi).
Au lieu de retourner à Midica, je décide d’aller au commissariat de police pour déposer une plainte… pour vol. J’y ai été très bien reçu, il faut le dire, mais mon affaire, m’apprend-on dépend « du civil » et non « du pénal ».
Je repars, l’adresse du tribunal de commerce en poche, récupérer mon bien à Midica, où je me retiens de jeter ma "preuve d’achat" à la face du chef des vigiles. Avec une absence totale d’excuse, doublée d’un « ah, ben voilà ! », on me rend finalement la cause de toute cette histoire avec, pour la route, encore un côté donneur de leçons qui confère à l’arrogante bêtise, pour rester poli : « la prochaine fois…» J’ai fait ce que je fais rarement : couper la parole à quelqu’un. D’autant que "la prochaine fois" n’entre pas pour moi dans le champ des possibles, en tout cas, pas ici. Encore que revenir quelques articles en poche, sans ticket de caisse mais un certain nombre de témoins me tente assez…
Je ne sais pas si je me rendrais au tribunal de commerce (ou au tribunal d’instance ?). Une plainte pour "préjudice moral", "vol temporaire (?)", "perte de temps" et "exposition à la bêtise", sans témoin, a peu de chance d’inquiéter, j’imagine, Midica.
Le plus triste est que j’ai beau chercher, je ne vois aucun enseignement à tirer de cette histoire. Je ne vais pas lancer un appel au boycott de ce magasin qui ne fait probablement pas exception en matière de service de sécurité qui outrepasse ses droits.
Quelques conseils néanmoins, si vous vous trouvez dans ce genre de situation :
- un agent de sécurité n’est en aucun cas habilité à vous fouiller, vous ou votre sac, ou à exiger une pièce d’identité (affirmation confirmée par un officier de police judiciaire);
- ne vous laissez pas isoler (encore moins dans un cagibi, dans le cas de Midica : la porte à droite en entrant, avant l’accueil);
- au besoin, ameutez les autres clients qui sont des témoins potentiels;
- si le conflit demeure et qu’aucune solution n’émerge, demandez l’intervention de la police. En cas de refus (de la part du magasin), et si toutefois vous êtes munis d’un téléphone portable, appelez-la vous-même.
La note d’ironie pour la fin (au moins provisoire) : le vigile, trop content de sa première prise, a bâclé son travail : qu’aurait-il dit s’il avait découvert que mes clés sont attachées à ce qu’en escalade (et probablement dans d’autres domaines), on appelle un "maillon rapide" et dont je suis persuadé qu’un modèle identique est vendu au rayon bricolage ou quincaillerie ?
Je repense également avec effroi à ce jour où je suis allé faire des courses alimentaires dans un supermarché avec dans ma besace une pomme de la cantine que j’avais, à midi, comme pour un cigare, décidé de « garder pour plus tard ». J’avais peut-être même en poche un paquet de mouchoirs en papier de la même marque que celle vendue par le magasin. Et quand je pense au nombre de fois où je suis allé au Vieux Campeur sans enlever mon pantalon North Face à l’entrée…. Quel irresponsable provocateur je suis !
Je finirai par deux promesses :
- si un jour je vole par souci de subsistance, assurément, je ne me nourrirai pas d’anti-mites;
- si je vole par cupidité, j’en fais le serment solennel, je ne me déplacerai pas pour 6,50€.
Lire à ce sujet l’article Ignorance des lois, abus d’autorité. Alarmante banalisation des vigiles de Martin Mongin, paru dans Le Monde diplomatique de janvier 2008.
« la fonction des APS [Agents de prévention et de sécurité] ne peut jamais être autre chose que préventive. Ils n’ont pas d’autre droit, en plus de celui d’être présents sur le site, que celui d’informer le public quant aux dispositions du règlement intérieur. Mais, une fois celles-ci enfreintes, ils ne disposent d’aucun pouvoir leur permettant de réprimer les infractions elles-mêmes. Tout juste celui de les constater, d’en consigner les modalités dans un registre et, le cas échéant, d’appeler les forces de l’ordre. »
ZNetwork is funded solely through the generosity of its readers.
Donate